Esteban et son papa

Précieux collaborateurs : Esteban et Xavier Lemay-Guzman.

lundi 1 juin 2020

Les dessinateurs paresseux_1 : Réal Godbout

Esteban et son papa, une bande qui passe plus de temps à se scénariser qu’à se dessiner aimerait vous présenter quelques dessinateurs paresseux qui ont élaboré des stratégies pour sauver du temps dans la réalisation de leur bande. Ou peut-être pour mieux démontrer l’importance du scénario dans une bande dessinée.

On commence aujourd’hui avec Réal Godbout. Si vous connaissez son œuvre (Michel Risque, Red Ketchup, L’Amérique, Quand je serai mort, tous à La Pastèque) vous conviendrez qu’il n’a rien d’un dessinateur paresseux.

Pourtant, à ses débuts, il a proposé une bande quotidienne sans personnages dessinés et en reprenant, case après case, le même dessin.

Les oubapiens (membres de l’Ouvroir de bande dessinée potentielle) appellent cela l’itération graphique.

Intitulée Les Terriens, cette bande est ainsi présentée dans le catalogue de La Coopérative Les petits dessins, une association du début des années 1970 qui fonctionnait de la même manière que les syndicates américains. La Coopérative ne parviendra à vendre que quelques bandes, dont Les Terriens, au quotidien indépendantiste Le Jour.

«Les Terriens» est une bande d’une rare originalité. Elle est la simple expression de personnages minuscules devant l‘immensité de l’univers. De plus, la bande dessinée est conçue pour suivre les cycles de la lune : cette formule est tout à fait nouvelle, et ne peut être reçue que très favorablement. »

Il s’agit donc d’une bande qui proposait de développer un univers en répétant toujours le même dessin, d’où la notion de bande non-dessinée, puisque les dessins ne seraient dessinés qu’une seule fois et repris ad vitam eternam avec de légères variations. Par contre, ici, contrairement à d’autres exemples que nous verrons plus tard, ce n’est pas une photocopie du même dessin, l’auteur redessinant à peu près le même dessin.

Ce dessin représente la planète Terre, vue de loin, sur laquelle se trouvent deux arbres, deux personnages qui discutent et une maison. Il s’agit d’un même point de vue répété. À voir le dessin, on peut évidemment se demander, par contre, à quel endroit se trouve la caméra.


La bande de Réal Godbout va être publiée 85 fois entre le 28 février 1974 et le 17 juin de la même année. Précédant les explorations oubapiennes d’une bonne quinzaine d’années, cette bande se présentait comme un exercice de style en proposant des récits construits à l ‘aide d’une seule image. Dans les faits, nous retrouvons cinquante strips avec la répétition de cette maison, ces deux personnages et ces deux arbres. Et après le 17 mai, ce dessin disparaît de la bande.

Plus de détails sur cette bande dessinée dans la biographie de Réal Godbout que je suis en train d’écrire.

Je laisse le mot de la fin à Réal citant Franquin : «Un dessinateur de BD est un paresseux qui peut travailler beaucoup.» Tiré des entretiens avec Philippe Vandooren.







Copyright : Réal Godbout

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